Nouvelles de l’ABL et du Secteur

Il faut rendre à César ce qui est à César

avril 15 2020

Il faut rendre à César ce qui est à César



Il est aujourd’hui du devoir des banques de faire preuve de franchise à l’égard de leurs clients et de leur expliquer les raisons fondamentales de la crise de liquidité actuelle, de se battre pour protéger le sort de leurs dépôts, et de souligner leur attachement à la préservation d’une économie libérale garantie par la Constitution libanaise, qui permette au secteur privé de continuer à croitre avec l’autonomie et l’esprit d’entreprenariat qui l’ont toujours caractérisé.



Tout d’abord, les banques présentent leurs excuses aux déposants qui subissent, depuis cinq mois, des restrictions dans l’accès à leurs dépôts alors qu’ils se trouvent dans le plus grand besoin. Elles regrettent que nombre d’entre eux aient le sentiment, à juste titre, d’avoir à mendier auprès de leur banque un droit qui leur est pourtant dû, et ce en raison de l’incapacité de l’Etat à rembourser ses dettes.



Les banques présentent aussi leurs excuses pour avoir accordé des prêts à l’Etat en vue de soutenir la mise en application de réformes structurelles dans le secteur public afin d’améliorer les prestations d’utilité publique, de renforcer les capacités du secteur privé et de relever le niveau de vie des citoyens à travers la croissance économique et les opportunités d’emploi qui devaient en découler ; les banques regrettent d’avoir cru que les équipes gouvernementales successives, qui s’engageaient continuellement à entreprendre des réformes, assumeraient enfin leurs responsabilités vis-à-vis du citoyen.



Nous voilà aujourd’hui, pris au dépourvu parce que d’une part le citoyen réalise que son Etat ne peut pas faire face à ses engagements financiers, et que d’autre part il vit les moments les plus durs depuis des décennies, alors qu’il se trouve lui-même privé du libre accès à ses économies pourtant justement accumulées en prévision de jours difficiles.



Sur le plan de la responsabilité



  • Le pouvoir politique prétend que les bénéfices réalisés par les banques ont contribué au gaspillage des deniers publics. La réalité est que les banques ont réinvesti durant trois décennies plus de 75% des bénéfices générés afin de consolider leurs capitaux dans ce secteur qui était, durant toute cette période, l’épine dorsale du développement des secteurs commercial, industriel, touristique et de l’habitat.
  • Le pouvoir politique a fait en sorte de déformer l’image positive et la réelle contribution du secteur bancaire, pourtant traditionnellement reconnues de tous, en reprochant aux banques leurs taux d’intérêt élevés, bien qu’il soit de notoriété publique que les taux d’intérêt bancaires baissent, pour les déposants et pour les emprunteurs, en période de stabilité politique et repartent à la hausse à chaque fois que cette stabilité politique intérieure est mise à mal et que les tiraillements, les joutes verbales et les polémiques stériles se multiplient.
  • La vérité est que c’est le pouvoir politique qui, à travers les gouvernements successifs, a mal disposé des fonds empruntés auprès des banques, desquels les dépôts font partie, et a fini par les dilapider. Le voilà qui tente aujourd’hui, après avoir décidé de fuir ses responsabilités en tant que débiteur du fait de l’incapacité de l’Etat à régler ses dettes, d’incriminer le créancier qui lui a accordé des prêts, portant du même coup atteinte aux droits des déposants. Pourtant, si le secteur bancaire n’avait pas assuré à lui seul la responsabilité de la stabilité monétaire, financière, économique et sociale durant trois décennies, le pays aurait sombré dans la crise depuis longtemps.
  • Le secteur bancaire a réussi à gagner la confiance des déposants libanais, aussi bien les résidents que la Diaspora, ainsi que celle des déposants arabes et étrangers à travers le monde, et ce en dépit de la contraction du volume de l’économie libanaise et d’une concurrence féroce arabe et étrangère pour attirer des capitaux. Plus encore, il a réussi, de par ses capacités propres, et malgré la détérioration permanente de la situation politique au Liban, à attirer durant des décennies les investissements nationaux et étrangers et à assurer la liquidité nécessaire au secteur privé, à l’Etat et aux besoins du citoyen.


  • Sur le plan des priorités



  • La priorité est de régler au plus vite la crise sévère de liquidité que connaît le Liban à travers des mesures visant à recouvrer la confiance. Ces mesures devraient aboutir tôt ou tard à ce que tous rendent des comptes, à tous les niveaux et sur des bases légales saines. Les violations commises, qu’elles soient massives ou ponctuelles, relèvent de la responsabilité de tous ceux qui en ont donné l’ordre ou les ont autorisées, et de ceux qui les ont exécutées ou facilitées.
  • Il est surprenant que ceux qui détiennent le pouvoir de décision tentent de mettre la main sur les avoirs des citoyens au lieu d’initier un dialogue avec les déposants et les banques en charge de ces dépôts, afin de parvenir à une solution qui préserve leurs droits, comme présenter des entreprises publiques rentables en garantie pour les déposants et les banques.
  • Il n’est pas rationnel, ni dans l’intérêt national, d’exploiter la crise sévère de liquidité que le Liban traverse et qui trouve son origine dans une mauvaise gouvernance politique, dans le but de modifier l’identité économique de notre pays et de permettre à l’Etat, directement ou indirectement, de mettre la main sur le secteur bancaire, c’est-à-dire sur l’argent des déposants. Il n’y a pas d’économie libre sans un secteur privé libre, dont la pierre angulaire est le secteur bancaire.
  • Toute atteinte au secteur bancaire portera un coup fatal à l’économie libanaise en général et à l’avenir de tous. De l’épine dorsale de l’économie qu’il représente aujourd’hui, il se transformerait aussitôt en talon d’Achille pour le Liban, tant pour les résidents que pour les expatriés. La tentative de l’Etat, sous n’importe quel label et surtout sous le prétexte de la crise de liquidité dont il est lui-même la cause, de mettre la main sur le secteur bancaire ou sur toute autre industrie, conduirait à la destruction de ce secteur, comme le montre l’expérience dans tous les secteurs directement gérés par l’Etat.
  • L’échec de l’Etat à administrer ces secteurs et d’autres projets, ainsi que le vieillissement, le gonflement, la non-productivité, la mauvaise gestion et le coût du secteur public sont autant de facteurs qui devraient inciter à unifier les efforts de toutes les composantes du secteur privé et de la société civile afin de faire face à la volonté de transformer, par le biais d’une nationalisation masquée, l’identité de l’économie libanaise d’une économie libre en une économie dirigée.
  • Le secteur bancaire n’est pas seulement la propriété des actionnaires, il appartient d’abord aux déposants qui lui ont fait confiance et à ses 28 000 employés qui garantissent, à travers leur emploi, une vie digne à des dizaines de milliers de familles libanaises dans les différentes régions du pays, et dont la plupart font partie de la classe moyenne, pilier de notre économie nationale et plus généralement de toute économie.
  • Plus encore, le secteur bancaire qui a incarné le levier de la prospérité du Liban durant plus d’un demi-siècle, est la propriété de l’économie nationale dans son ensemble, et les banques sont engagées à œuvrer avec les déposants et la société civile pour préserver son rôle.


  • Au niveau de la solution



  • Les banques sont déterminées à préserver tous les dépôts bancaires, dans le respect du droit garanti par la Constitution à chaque déposant. L’affranchissement de ces dépôts de toute contrainte ou restriction est conditionné au fondement du problème à savoir que le pouvoir politique doit se porter garant des dettes de l’Etat et tenir ses engagements en entamant le processus de réformes et de restructuration radicale du secteur public, à commencer par l’application des lois en vigueur et la restauration du pouvoir judiciaire, et ce afin de créer un environnement favorable qui encouragerait le secteur privé à prendre des initiatives et à investir de nouveau ; à condition que ces réformes soient fondées sur des bases transparentes et que leur sort ne soit pas lié au caractère chaotique et primaire de la politique.
  • Il incombe au pouvoir politique de commencer à se reformer lui-même avant tout, de ne pas se contenter de paroles ou de slogans et d’appliquer concrètement les réformes économiques nécessaires afin de recouvrer la confiance des déposants et des investisseurs. En dépit des contraintes temporaires imposées par les banques, les dépôts des citoyens sont plus en sécurité là où ils ont été déposés plutôt qu’entre les mains d’un secteur public encore à l’état primitif et rongé par une corruption profondément enracinée. La crise actuelle n’en est-elle pas d’ailleurs la plus grande preuve ?
  • La solution à la crise sévère de liquidité, tout comme sa cause, est d’abord politique avant d’être économique ou bancaire. Il est donc irrationnel que le pouvoir cherche à fuir le problème et se dérobe à ses responsabilités en ayant recours à une législation anticonstitutionnelle qui pourrait le réconforter pendant quelques temps mais qui modifierait le régime économique libre et anéantirait définitivement la possibilité d’une prospérité du Liban ainsi que l’avenir des nouvelles générations.
  • Il est nécessaire que toutes les parties mettent leurs conflits de côté et œuvrent avec dévouement dans l’intérêt public exclusivement, afin d’aboutir aux meilleures solutions applicables dans les meilleurs délais. Nous sommes les premiers à prendre l’initiative de tendre la main pour aider le gouvernement actuel à trouver des solutions qui préserveraient la Constitution, le prestige du Liban, l’intérêt de ses jeunes générations, et la confiance des investisseurs de tous horizons afin d’aboutir à des lendemains meilleurs.


  • Ce n’est pas la première fois que nous, Libanais, sommes pris au cœur de la tempête, bien que celle que nous subissons aujourd’hui soit la plus terrible et la plus dévastatrice de toutes. Le secteur bancaire sera, à l’instar de tous les citoyens, aux premiers rangs de la confrontation et nous serons les premiers à fournir toute aide à toute personne qui en aurait besoin. Les Libanais n’en sont pas arrivés là faute de travail, mais parce que nous avons tous manqué à notre devoir en matière de reddition de comptes. Il est temps pour nous tous d’apprendre de nos erreurs et cette leçon constituera en elle-même une source d’espoir dans un avenir meilleur qui ne ressemblera en rien au présent.



    Nous soutenons donc aujourd’hui avec détermination nos concitoyens dans leur épreuve et nous œuvrons pour des jours meilleurs.



    C’est enfin avec un esprit ouvert, soucieux pour notre pays en crise, que nous appelons le gouvernement de salut actuel à initier un dialogue avec notre Association et avec l’ensemble des organismes économiques afin de trouver la solution adéquate qui préservera l’argent des déposants, dont nous sommes garants, et qui permettra au Liban de demeurer un phare de créativité financière, économique et culturelle.



    L’Association des Banques du Liban

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